Lors d'un trek en Thailande
Philosophie de voyage

Oui, le voyage, c’est aussi la vraie vie

Quand on parcourt les blogs des voyageurs ou que l’on suit leurs comptes Instagram, on a souvent l’impression qu’en voyage, la vie est toujours merveilleuse. Qu’on passe simplement notre temps à profiter, sans but particulier, sans se poser trop de questions. Du coup, vu de l’extérieur pour notre famille, nos amis et éventuellement ceux qui nous suivent via les réseaux sociaux, cela donne souvent la fausse impression que le voyage, c’est une phase de déconnexion, hors du temps et surtout hors de la réalité. Qu’en tant que voyageurs, on se laisse juste porter par la facilité. Que finalement, le voyage, ce n’est pas « la vraie vie ».

Mais au fond, qu’est-ce que « la vraie vie » ?

Lorsque je voyageais, j’ai souvent entendu des phrases du genre : « Tu verras, quand tu rentreras de voyage, tu reviendras dans la vraie vie. » Mais au fond, personne n’a vraiment su m’expliquer ce qu’était « la vraie vie ». Aujourd’hui, je suis en France, posée depuis plus d’un an, et je dois vous avouer, chère famille, chers amis, que la « vraie vie » ne s’est toujours pas révélée à moi. Pour l’instant, elle a juste un aspect différent. Plus routinier, plus prévisible, ça c’est certain. Pour tout vous dire, j’ai même plutôt l’impression de vivre à moitié endormie ici et que la « vraie vie » (je crois que je commence à détester cette expression), c’était lorsque l’imprévu avait une grande place dans mon quotidien. Que je me laissais surprendre par des évènements extérieurs que je ne contrôlais pas, mais qui avaient le pouvoir de changer ma trajectoire. Par des petits détails anodins qui se révélaient plus tard être de grandes leçons de vie.

En voyage, la « vraie vie », c’est…

  • Lorsque je me réveille à 4h du matin, piquée par des punaises de lit. Que je choisi de finir ma nuit par terre en enfermant mon sac à dos dans la salle de bain pour ne pas contaminer mes affaires et me retrouver à trimballer ces bestioles partout avec moi.
  • Lorsqu’après une semaine de road-trip sous la pluie, à se geler tous les jours en montant et démontant la tente, le soleil réapparait enfin, comme une délivrance.
Gouttes de pluie sur le pare-brise - Nouvelle-Zelande
Lors de notre road trip en Nouvelle-Zélande...
  • Lorsque j’engage une conversation avec quelqu’un au hasard, qu’une amitié s’installe et qu’on décide de faire un bout de chemin ensemble.
  • Lorsque j’arrive à destination, que j’éprouve un coup de cœur sans m’y attendre et que je décide de rester sur place plus longtemps que prévu. Lorsqu’au contraire, je suis déçue et que l’envie de prendre les jambes à mon cou est plus forte que de rester à « subir » cet endroit que je ne sens pas.
Coucher de soleil aux 4000 iles Laos
Les 4000 iles, mon coup de coeur au Laos
  • Lorsque je déboule fraichement dans un nouveau pays et que je me fais escroquée dès mon premier quart d’heure. Que plus tard j’en rigole en me disant qu’avec mon expérience, ça ne risque plus d’arriver. Que ça arrive encore. Que je finisse par lâcher l’affaire en me disant « ça fait parti du jeu ».
  • Lorsqu’on se perd dans la jungle alors qu’on suivait bêtement un chemin de randonnée sur l’application maps.me. Qu’après avoir coupé à travers la forêt, on débarque au milieu d’un jardin cultivé et qu’une dame nous regarde, ahurie, en se disant « mais comment ont-ils bien pu arriver là ces touristes ? ».
  • Lorsque le bus local nous largue à notre destination au beau milieu de la nuit. Qu’on doive la terminer en dormant sur notre sac à dos par terre, dans la rue.
  • Lorsque je me rends compte que ma carte bancaire a un problème et que je ne peux plus retirer d’argent, nul part. Que je remercie l’Univers de ne pas être seule à ce moment-là et que mes compagnons de voyage m’avancent généreusement les frais en attendant que je parvienne à régler le problème.
  • Lorsque je réalise que je trimballe beaucoup trop d’affaires dans mon sac à dos et que je commence à larguer du leste dans les auberges de jeunesse. Que je finisse par regretter ce jean dans lequel je me sentais si bien. Que je réalise que ce n’est que du matériel après tout et que ça n’a aucune importance.
  • Lorsqu’une centaine d’euros disparaissent de mon porte-monnaie parce-que, dans un excès de confiance, je n’ai pas verrouillé la porte de ma chambre pendant la nuit. Que je peste intérieurement en me sentant stupide et naïve. Que je finisse par me dire que je ne vais pas laisser cet incident gâcher mon voyage.
  • Lorsque je commande à manger dans un boui-boui local qui ne paye pas de mine et que je réalise que c’est le meilleur plat que j’ai jamais mangé.
  • Lorsqu’on arrive au sommet de ce volcan baigné dans un brouillard épais et que le temps se découvre, enfin, pour nous offrir cette vue incroyable sur toute la région. Qu’on se sente invincibles d’y être arrivé, alors que le monsieur du visitor center nous avait fortement déconseillé d’y aller.
Au sommet de Fantham's peak Taranaki Mt Egmont Nouvelle Zelande
Arrivée au sommet de Fantham's Peak sous le soleil après une ascenscion dans le brouillard total
  • Lorsqu’on crève le pneu de notre scooter de location au milieu de nul part et que les locaux tentent de nous aider à leur manière, en regonflant le pneu avec une pompe à vélo.
  • Lorsque je rencontre des gens formidables, qui ne parlent aucune langue que je connais, et qu’on finisse par rire tous ensemble du fait qu’on ne se comprenne, mais alors, pas du tout. Lorsque je réalise qu’au-delà de toutes les langues parlées, il existe un langage universel qui nous connecte tous en tant qu’humains.

Du chaos doit jaillir la lumière

En voyage, chaque journée est teintée d’une couleur différente. A tout moment, les choses peuvent basculer pour nous offrir soit une journée magnifique ou au contraire, une journée difficile. Toutes ces journées sont mémorables. Toutes ont eu un rôle. Et si je regarde une nouvelle fois le film se dérouler sous mes yeux, je me dis que tout était logique.

Paradoxalement, j’avais l’impression d’avoir plus de contrôle sur mon destin en laissant cette part d’instabilité gouverner mon quotidien. Je pense qu’il faut une part de chaos pour pouvoir se constituer un équilibre. Qu’il faut se laisser emporter par les tornades pour profiter des moments de calme. Aujourd’hui ma vie est plus calme, c’est vrai, et je l’apprécie de cette façon parce qu’à un moment, elle a été plus folle. Je l’apprécie d’autant plus en me disant qu’un jour, cette petite part de chaos reviendra peut-être bousculer encore les choses.

 

Oui, j’ai voyagé, et ces voyages ont fait parti de ma vie. De ma vraie vie. Ils m’ont nourri, ils m’ont permis de me construire en tant qu’adulte. A certains moments même, ils m’ont sauvé. Ils ont orienté mes choix par la suite, et m’ont aidé à comprendre profondément le sens de ces choix. Je me dois de leur rendre hommage pour avoir fait de moi celle que je suis aujourd’hui.

Portrait a Bagan Myanmar

2 commentaires

  • Annie

    Bonjour Amy,

    J’aime beaucoup ta façon de concevoir le voyage, prendre le temps de voir ce qu’il se passe, accepter les imprévus et leur laisser de la place, apporter un regard bienveillant sur les évènements..
    J’ai hâte d’en lire davantage.

    • Amy

      Bonjour Annie,

      Merci beaucoup pour ton retour 🙂
      Effectivement, je compte écrire pas mal d’articles du même genre, donc je suis contente de savoir qu’ils sont appréciés !
      A bientôt 😉

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